Créances privilégiées et procédures collectives : mauvais timing ?

Lorsqu’une liquidation judiciaire est ouverte, l’objectif est de rembourser le maximum de dettes possible… mais pas dans n’importe quel ordre ! D’où l’importance des privilèges et des garanties. Encore faut-il que tout le monde soit d’accord sur leur existence…

Créance née après la période d’observation : faites la queue comme tout le monde ?

Pour rappel, une procédure collective s’ouvre par un « jugement d’ouverture », lui-même suivi d’une « période d’observation ». Comme son nom l’indique, elle permet d’observer l’entreprise pour détecter les problèmes et les solutions à apporter. Ce jugement d’ouverture entraîne des conséquences très concrètes puisqu’il suspend provisoirement :

  • le paiement des créances nées avant le jugement ;
  • le droit de poursuite individuel des créanciers.

Autrement dit, les créances nées avant la procédure collective sont momentanément « paralysées », le temps de permettre au juge et au mandataire de trouver la meilleure issue.

Mais pour ne pas décourager les partenaires à consentir de nouvelles créances qui pourraient aider l’entreprise à redresser son activité, la loi prévoit que les créances nées après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance.

Si cela n’est pas possible, elles seront payées en priorité sur les autres, mêmes sur celles bénéficiant de garanties.

Dans une affaire récente, une société est mise en redressement judiciaire. Après la période d’observation, un plan de redressement est mis en place. Quelques temps après, une banque prête de l’argent à la société. Malheureusement, la société est ensuite mise en liquidation judiciaire.

La banque déclare donc à la procédure sa créance en précisant que cette dernière doit être payée « par privilège » avant les autres, comme le prévoit la loi.

Sauf que le liquidateur en charge du dossier n’est pas du tout d’accord avec cette analyse.

« À tort ! », se défend la banque. Parce qu’elle a été consentie après le jugement d’ouverture du redressement judiciaire en contrepartie d’une prestation fournie, sa créance est bien privilégiée.

« Non », conteste le liquidateur judiciaire. Certes, la créance est née après le jugement d’ouverture du redressement judiciaire, mais après la période d’observation, ce qui change tout !

« Tout à fait », confirme le juge : la créance est née après l’adoption du plan de redressement et elle dépend de la liquidation judiciaire. Par conséquent, si elle doit bien être admise au passif de la société, aucun privilège ne peut s’appliquer !

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